Petit tour d'horizon et dégustations des vins issus du terroir catalan. Découvrez régulièrement de nouveaux vins, des conseils pratiques de dégustation accompagnés d'idées d'accords mets et vins.

mercredi 23 novembre 2016

Édition Singapour : Les vignes de Bila-Haut 2014 de la Maison Chapoutier (Côtes du Roussillon Villages)

 

 

Chers lecteurs,

 

Fraîchement débarqué à Singapour, dans ladite ville du lion, mon tire-bouchon à la main, je reste à l’affût pour vous débusquer des vins plaisirs qui sauront ravir vos papilles l’instant d’un bon repas, tout en essayant, bien entendu, de ne pas trop alléger votre portemonnaie.

Autant vous dire que trouver un vin du Roussillon dans la cité-état n’est pas chose aisée. Et l’affaire se corse d’autant plus si on ne veut pas se ruiner ! En effet les taxes sur l’importation d’alcool étant ce qu’elles sont à Singapour, les prix ont la fâcheuse tendance à vite s’envoler, voire exploser. Malheureusement il faut se rendre à l’évidence et compter le double voire le triple du prix habituel pour pouvoir se procurer sa tisane en bouteille.

En mode expatrié et à l’occasion de l’écriture de cet article, j’ai décidé de ne pas déroger à mes habitudes et donc d’aller me procurer un Côtes du Roussillon. En partant à la rencontre des cavistes locaux, j’ai fait face à un problème qui s’est avéré récurent, trop récurent. L’appellation Côtes du Rhône qui est très populaire depuis des années à Singapour, possède sensiblement les mêmes assemblages que les Côtes du Roussillon (la Syrah et le Grenache noir), de ce fait la clientèle se détourne à tord de nos bons vieux CdR faisant ainsi le bonheur des exportateurs Rhônalpins et Rhônalpines. Finalement force de détermination et à l’usure des semelles de mes chaussures, j’ai enfin pu trouver mon Graal… Bien caché, dans le tout petit stand d’un supermarché local, dont le conditionnement me semblait quelque peu douteux. C’est donc en exclusivité cette semaine depuis la baie de Singapour, que je vous exhibe fièrement mon trophée, un Côtes du Roussillon Villages de la célébrissime Maison Chapoutier : Les vignes de Bila-Haut.

Tel un mirage sur la Marina Bay de Singapour, un petit bout du Roussillon, de LaTour-de-France exactement, s’impose au beau milieu de l’immensité des gratte-ciels.

Quelques mots sur le vigneron :

 

La Maison Chapoutier est une famille de vignerons, producteurs et négociants qui est présente parmi les plus prestigieuses appellations de la vallée du Rhône dès la fin du XIXe siècle. Ce fut lors l’acquisition de ses premières vignes en 1879 que Polydor Chapoutier commença à vinifier et à élever des vins parmi l’AOC de la vallée du Rhône. C’est finalement suite à la retraite de Max Chapoutier, qui dirigea l’entreprise jusqu’en 1977, que ses fils Marc et Michel prendront les rennes du vignoble.

Sous l’aile protectrice de Michel, la Maison Chapoutier n’a cessé d’étendre son influence notamment à l’international. Tel un véritable pionnier toujours à la recherche de nouvelles terres prometteuses, il a eu l’audacieux souhait de vouloir sublimer différents terroirs issus des quatre coins du globe dont il avait pu tomber amoureux au cours de ses nombreuses expéditions. Son œuvre a débuté dans la vallée du Rhône, de Condrieu à Saint-Joseph en passant par Châteauneuf-du-Pape, se prolongeant par un tour de France de l’Alsace au Roussillon, quittant ensuite la bonne vieille métropole pour le Portugal pour enfin terminer sa course au pays des kangourous, l’Australie.

 Avant-gardiste et soucieux de la qualité de ses produits, dès le courant des années 80 Michel a imposé la culture en biodynamie dans ses vignobles. Petite anecdote : depuis 1996 l’étiquette des bouteilles est aussi écrite en braille.

C’est dans la haute vallée de l’Agly plus précisément à Latour-de-France, terroir renommé pour la richesse et la variété de ses sols, que l’aventure de Michel a débuté dans le Roussillon avec le domaine de Bila-Haut, se traduisant par « Haute Villa ». Tombant passionnément amoureux de ces terres, il a acquis en juillet 2000 les 75 hectares de parcelles de l’ancien domaine du Roc de l’abeille. Toujours à la recherche des plus belles expressions de chaque terroir, ce n’était certainement pas le fruit du hasard s’il a décidé de s’aventurer sur les fougueuses et parfois capricieuses terres de Catalogne du nord. Car sur ces sols variés, on retrouve essentiellement des schistes noirs et bruns, du gneiss, et une alliance d’argile et de calcaire. Cette richesse géologique est propice à la confection de vins généreux, puissants et équilibrés à la fois, tout en préservant une minéralité et une fraîcheur prononcées.

 Le domaine de Bila-Haut fort de près de 75 hectares, se situe sur les anciennes terres du domaine du Roc de l’abeille à environ 150 mètres d’altitude dans la haute vallée de l’Agly.

Le domaine de Bila-Haut est le parfait exemple de l’expression de ce terroir typiquement recouvert par un sol aride et caillouteux régulièrement balayé par la Tramontane. Comme Michel le dit lui même, c’est un climat que l’homme a du faire sien pour sa propre survie, pour préserver ses cultures. L’idée de relever ce défi permanent que lance cette nature hostile ne pouvait que séduire l’audacieux pionnier qu’est Monsieur Chapoutier. De par l’expérience acquise au cours de ses différentes expéditions, il a réussi à dompter cette nature insoumise qui pouvait s’avérer parfois ingrate.

Les cépages rouges du Roussillon ont su trouver leur place, et sont désormais majoritaires au sein du vignoble. 35% de la vigne sont dédiés à la Syrah pour ses arômes animaux et épicés. 35% au Grenache pour sa fraîcheur et la tension qu’il apporte au vin. Et enfin 30% pour le Carignan, cultivé pour sa belle minéralité et ses tanins croquants. Familier dans le Roussillon, on y retrouve aussi quelques petites parcelles de Muscat à petits grains. L’âge des vignes est généralement d’une vingtaine d’années, excepté pour de vieux Grenaches de 70 ans qui sont issus d’un magnifique îlot au milieu de la garrigue et qui sont exclusivement vinifiés pour le sublime V.I.T. Visitare Interiore Terrae. (96 au guide Parker pour le millésime 2011)

 Le climat rude et les sols escarpés impliquent l’utilisation de méthodes traditionnelles comme par exemple les vendanges manuelles.

Le choix du vin : Les vignes de Bila-Haut 2014 de la Maison Chapoutier (Côtes du Roussillon Villages)

 

 
Les 14 % d’alcool accrochent bien à la paroi du verre, en témoigne la photo ci-dessus.

Visuellement, le vin se présente à nous avec une jolie robe d’un grenat à l’intensité modérée et aux nuances violines. La robe est brillante et limpide, dévoilant la qualité d’un produit propre et net, de bonne facture. Le jambage s’agrippe délicatement à la paroi du verre, dessinant presque une fresque de matière finement colorée.

Le nez dévoile un joli panier de fruits rouges et noirs très mûrs. Majoritairement fruité, il se caractérise par une bonne intensité. Le fruit est net et agréable, mélange de baies de cassis, de myrtilles et de framboises bien mûres, voire confites. En fond, plus épicées, de fines notes de garrigue, de romarin et de fines herbes légèrement poivrées se font ressentir. Enfin on perçoit une légère pointe d’évolution sur la finale, peut être due à une conservation un peu approximative.

En bouche, l’attaque est modérée, ni trop franche ni trop molle, elle s’avère juste et équilibrée. Les tanins sont soyeux et velours. Alors que le nez laissait présager un vin très fruité, en bouche il révèle avec vigueur de beaux arômes épicés. On y découvre notamment des notes de réglisse, de thym, et de poivre gris et noir. Équilibré et tendu, il s’avère être un vin d’une belle fraîcheur. On reste néanmoins légèrement sur notre faim
avec une longueur un peu modérée pour un Roussillon que l’on attendait un brin plus explosif.

Les vignes de Bila-Haut est un Côtes du Roussillon Villages est issu de l’assemblage de 40 % de Grenache noir, 40 % de Syrah et de 20 % de Carignan.

Pour conclure, les vignes de Bila-Haut est un excellent vin surtout si on juge par son excellent rapport qualité/prix à 7,85 euros la bouteille. Structuré, équilibré, avec des tanins très agréables le vin fera certainement l’unanimité auprès de vos convives l’instant d’un bon repas. Il a l’avantage d’être un vin flatteur, qui sait garder les traits et la typicité de son terroir. À servir entre 16 et 17°, il promet des accords mets-vins riches et variés avec par exemple un agneau rôti aux herbes de Provence, ou accompagnant de la cuisine asiatique grâce à son caractère légèrement épicé qui saura sublimer les saveurs aigres-douces d’un porc à l’impériale. Concernant la garde, le vin devrait facilement pouvoir se conserver entre 4 à 5 ans environ, dans des conditions optimales bien entendu.

En direct de Singapour, c’était Frédéric pour Melt&Co, un grand merci pour votre lecture. N’oubliez pas de partager nos articles.

mercredi 2 novembre 2016

L’impromptu 2015 du domaine de la Meunerie (IGP côtes catalanes blanc)

Chers lecteurs,

 

L’automne est maintenant bien installé, et nous avons décidé de profiter encore de ces quelques journées bien ensoleillées pour partir à la rencontre de vignerons et de domaines dont l’Histoire est le dénominateur commun. Il est toujours très instructif d’écouter quelques anecdotes historiques, de voir les différentes techniques de travail employées, ou encore tout simplement de partager avec les vignerons notre passion commune pour le monde viticole.

Cette semaine, c’est avec beaucoup d’engouement que BFox et moi sommes partis à la rencontre d’un vigneron engagé qui a fait le pari de préserver le patrimoine de son terroir tout en s’investissant dans le milieu viticole catalan. Direction le cœur des Aspres, dans la commune de Trouillas dans les Pyrénées-Orientales où Stéphane BATLLE nous a réservé un accueil chaleureux avec en prime une visite guidée des vignes du Domaine de la Meunerie.

Quelques mots sur le vigneron :


Stéphane, que j’avais pu rencontrer il y a quelques années lors de cours de dégustation, n’est pas issu du monde agricole mais fit l’acquisition de quelques vignes suite à un coup de cœur en 1998.
 
En effet, c’est par pur coup de cœur pour cette ancienne meunerie, délabrée et en ruine mais qui lui rappelait son grand-père et son enfance, que Stéphane commençât par acquérir sa toute première parcelle de 2 hectares en 1998. À cette époque, nous étions bien loin de ce que peut être l’actuel domaine et l’intégralité des récoltes était vinifiée pour la cave coopérative de Passa, une commune voisine.

Aujourd’hui la meunerie a été entièrement rénovée des propres mains de Stéphane, et l’exploitation s’est vue complètement reconstituée. S’étendant désormais sur près de 17 hectares, elle a été, au fil du temps, agrémentée de jeunes et d’anciennes parcelles qui sont traversées sur quelques hectares par une veine d’argile rouge. Celle-ci faisant la fierté même du vigneron et procurant des vins d’une belle minéralité et d’une grande finesse.
Sur la commune de Trouillas non loin d’un pic du Canigou fumant, se trouve le petit (de 17 hectares) domaine de la Meunerie.

Désirant toujours œuvrer pour l’environnement et la qualité de ses produits, Stéphane s’est naturellement dirigé vers une agriculture saine et raisonnée où l’observation est la base de son travail. À ce propos et toujours dans cette optique qualitative, il était évident pour le domaine de se limiter à une production relativement faible, avoisinant les 30 hectolitres par hectare, qui procure ainsi richesse et concentration aux raisins. Au final pour cette année, c’est seulement 17000 cols qui sont attendus. Rigoureux et respectueux des traditions, une partie de la récolte de l’exploitation est encore vendangée manuellement en caissettes.

Les cépages qui font le charme et la richesse des Côtes du Roussillon sont au rendez-vous sur ce terroir majoritairement argilo-calcaire, on y trouve les traditionnels Grenaches, Syrah, Mourvèdre et Macabeu, ainsi qu’une vieille vigne centenaire de Carignan. Ne faisant pas les choses au hasard, et toujours dans un contexte de recherche de son terroir, le domaine abrite volontiers en son sein quelques cépages moins familiers dans le Roussillon avec par exemple du Chardonnay ou encore de la Roussanne.
Le Grenache gris emblématique des blancs du Roussillon, une belle petite grappe persiste au beau milieu des vignes du domaine de la Meunerie. (Encore une très belle photo par BFox, talentueux photographe de Melt&Co)

Pendant pas moins de 5 années, Stéphane s’est attelé à rénover, à la force de ses bras, cette bâtisse de famille abandonnée qui lui tenait tant à cœur : l’ancienne meunerie. Cet ancien moulin du XIe – XIIe siècle a désormais été adapté pour devenir le chai du domaine. Les meules encore intactes et frappées du sceau des templiers, attestent de ce désir et de cette conviction à vouloir préserver les traces du passé, et à respecter l’ancienne activité de ces lieux qui est la fabrication de la farine.
L’ancienne meunerie offre de nombreuses anecdotes et vestiges du passé. À gauche, les crapaudines qui servaient de pivot pour la meule. À droite, on remarque le sceau des templiers qui repose sur les meules toujours bien conservées.

Le choix du vin : L’Impromptu 2015 du domaine de la Meunerie (IGP côtes catalanes)

 Sous un beau soleil d’été d’automne, dégustation de l’Impromptu en compagnie du chaleureux Stéphane BATLLE.

Côté visuel, le vin dévoile une belle robe or vert avec des nuances argentées. Dans le verre, l’Impromptu est net et propre, et impressionne par sa limpidité et sa brillance, gage d’une qualité sanitaire irréprochable. Le jambage est assez prononcé, et de fines larmes s’accrochent avec volupté le long de la paroi du verre.
Le nez est explosif, et très intense. On y découvre avec plaisir un concentré aromatique détonnant. Au rendez-vous de belles notes d’ananas frais, d’agrumes et de fleurs blanches. Pourvu d’une belle fraîcheur, le nez dévoile également une pointe très légèrement anisée ainsi qu’un soupçon de minéralité, sensation crayeuse.
En bouche, l’attaque est très franche. Le vin, loin d’être docile, est très vif, fougueux et réveille nos papilles grâce à la fraîcheur de ses notes d’agrumes, de pamplemousse et de zeste de citron vert. Il dévoile toute la vivacité d’un Chardonnay récolté à maturité précoce, ce qui offre beaucoup de tension en bouche. On retrouve également des notes sur l’exotique avec le fruit de la passion (maracuja) ou encore l’ananas frais. Contrairement à l’attaque, la finale s’avère caractérisée par cette délicate rondeur et onctuosité que procure généralement les beaux Grenaches gris du Roussillon. L’Impromptu est d’une belle longueur aromatique en bouche.

L’Impromptu est un blanc vif et fougueux, fruit d’un assemblage atypique dans le Roussillon avec 70 % de Chardonnay et 30 % Grenache gris.

Pour conclure, l’Impromptu est un blanc original, atypique, avec un profil très intéressant dans le Roussillon. Très caractérisé par son Chardonnay récolté précocement, il offre la vivacité et la fraîcheur dont raffolent les amateurs de vins blancs tendus. D’un autre côté, son Grenache gris saura ravir également les personnes appréciant les vins équilibrés et structurés. Alliant ces deux profils dans une seule cuvée, l’Impromptu joue habilement avec nos papilles. À 11,50€ il s’avère être un vin à découvrir et à ne manquer sous aucun prétexte. Servi frais entre 10 et 12°, il accompagnera idéalement un plateau de sashimis, des brochettes de St Jacques, du homard ou encore un crottin de Chavignol.

En direct de Singapour, c’était Frédéric, en association avec BFox, nous tenions à remercier Stéphane pour son invitation quelques jours avant ma nouvelle aventure. N’hésitez pas à nous suivre et à partager cet article.